mercredi 3 décembre 2008

Le parlementarisme britannique et ce qui se passe à Ottawa

Bonjour à tous, suite à la tournure que prennent les événements à Ottawa, je vais commencer par débiter quelques évidences qui semblent être ignorées par plusieurs, avant de continuer ma réflexion. Notre système démocratique est ce qu’on appelle le parlementarisme britannique. Ce système est régit par la constitution et voici comment il marche. Nous ne votons pas pour des partis mais pour des candidats locaux qui sont au nombre de 308 au Canada. Le député devenant le premier ministre est celui qui arrive à avoir la confiance d’une majorité de députés. Ce n’est pas nécessairement un chef de parti, ni même un membre du parti ayant le plus de sièges. Lorsque le premier ministre perd la confiance de la chambre, il doit démissionner, ce qui entraîne d’habitude des élections mais cette fois encore, pas nécessairement. Le gouverneur général (je sais c’est une femme, je parle au neutre pas seulement de celle en place actuellement), vrai chef de l’état canadien, le premier ministre n’étant que son conseiller, peut dans des circonstances particulières comme nous en vivons en ce moment, demander à quelqu’un d’autre d’assumer le poste de premier ministre si un autre député semble pouvoir s’assurer la confiance d’une majorité à la chambre. Donc, pour tous les détracteurs de la possible coalition dont on parle tant en ce moment, la situation actuelle n’est ni un coup d’état, ni un tour horrible et cynique de l’opposition mais bien un fonctionnement normal de notre système. Ce n’est qu’une longue suite de gouvernement majoritaires qui nous font sentir ces événements comme exceptionnels. La coalition avec l’appui du Bloc représente plus de 60 % des électeurs et plus de la moitié des représentants en chambre donc il est normal que le premier ministre soit nommé par ce consensus. Ceci dit, moi qui me suis souvent fait avocat de changements dans notre système, je trouve la situation fort intéressante, car elle pousse le dit système à ses limites et va me permettre de mettre en relief quelques idées.

Le gouverneur général : Ce poste non élu, vétuste, d’un autre âge représentant la reine d’Angleterre est néanmoins notre véritable chef d’État. On nous dit que ce n’est qu’honorifique mais c’est faux. Dans une situation comme en ce moment, le premier ministre manque de légitimité pour conseiller le gouverneur général, c’est donc cette personne non élue représentant un monarque d’outre-mer qui choisit tout seul l’avenir du Canada. Par exemple allons nous aller en élections cet hiver ou le pouvoir passera t il à la coalition? Si le parlementarisme canadien se met à utiliser de façon courante les possibilités des coalitions et des gouvernements minoritaires, c’est une raison de plus pour abroger ce poste qui peut à l’occasion reprendre un pouvoir inquiétant voire totalitaire et le remplacer par un autre mécanisme. Le seul recours d’un premier ministre en désaccord avec le gouverneur général est de tenter d’invalider sa décision par la Cour Suprême (autre organe non élu) ou d’en nommer un nouveau avec l’assentiment de la Reine d’Angleterre.

La théorie et la pratique : Malgré ce que je viens d’expliquer en début de texte à propos du système de votation, beaucoup de gens, encore plus dans les grands centres urbains, votent non pas en fonction du candidat mais en fonction du parti. De plus notre système est à un seul tour, ce qui fait qu’un député peut être élu avec un pourcentage de vote assez faible dans le cas d’une course à trois ou quatre, ce qui n’est pas fantastique pour leur légitimité de représentant. On ne peut pas non plus voter à la fois pour celui qu’on pense le plus compétent, tout en affirmant qu’idéologiquement on préfère tel parti. Comme je l’ai déjà dit, la situation actuelle est parfaitement normale. Alors pourquoi une crise politique? Il serait temps de vraiment se pencher sur les fonctionnalités de notre système et voir ce qu’on pourrait y améliorer. Serait-on mieux avec une proportionnelle mixte? Des élections à date fixe? Un système présidentiel? Une votation à plusieurs tours?

Toujours la constitution : On y revient encore. C’est là que le bas blesse. La fameuse constitution qui lie le Canada ensemble et que le Québec n’a pas signé. L’argumentation de fond de la présente crise est sur le fonctionnement du Canada. Et on ne peut changer le fonctionnement du Canada sans changer la constitution. Ce qui ouvrirait la porte aux revendications tout à fait légitime du Québec, mais aussi des autres provinces, en cette matière. C’est la grande peur d’Ottawa la constitution. Un changement constitutionnel pourrait faire un meilleur Canada qui sait? Mais cela pourrait aussi faire un Ottawa moins fort. C’est ça l’autre problème du Canada, Ottawa ne sait pas faire la différence entre son bien propre et celui du pays et parfois les deux ne vont pas de pair. Ouvrir la constitution, c’est synonyme d’un bras de fer terrible et hargneux avec les provinces. C’est décentraliser peut-être, encadrer le pouvoir d’Ottawa peut-être, laisser les forces autonomistes de l’ouest faire bande à part peut-être ou, pire que tout, donner une opportunité au Québec de démolir le Canada. C’est d’ailleurs en ce sens que Harper a mobilisé l’électorat de l’ouest cette semaine en affirmant que la coalition détruirait le pays à cause d’un pacte avec les souverainistes.

Tout ça pour dire qu’on est en train à Ottawa, de nous créer une crise constitutionnelle sans précédent, à partir d’un mécanisme normal, voire banal et que l’ouest se mobilise autour d’une haine irraisonné du Québec (pour une fois que c’est pas nous qui déclenchons la crise…). Que ça s’embrase ainsi ne fait que confirmer ce que je claironne depuis toujours; le débat constitutionnel qui a dominé les années 70 à 90 dans la politique canadienne, s’est soldé par un abandon, pas une résolution. Les politiciens ont tenté de l’oublier mais il est revenu au galop. Il reste donc à faire et pas seulement au Québec. Par contre, vu les précédents échecs et les beaux sentiments qu’expriment en ce moment nos compatriotes de l’ouest, peut-être qu’on devrait les laisser régler ça entre eux et finalement construire notre propre système à côté pour ensuite se parler comme des adultes responsables.

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